ou Ferme des Artistes
Située sur la falaise d'amont (d'où son nom cadastral)
cette ferme était la plus importante d'Etretat. La maison de maître avec son appareillage de pierre encadrant les galets équarris
est un peu différente de celles du pays: elle traduit une représentation paysanne.
Plusieurs nouvelles de Maupassant ont été inspirées
par des histoires du lieu, en particulier "histoire d'une fille de ferme"
"Miss Harriet" ect...
Il existe quantité de dessins et tableaux des bâtiments. Les peindre
ou les dessiner était une sorte d'initiation.
La marre, disparue faute d'usage, créait des reflets propices aux compositions bucoliques.
L'inclinaison des pommiers du verger se retrouve dans de nombreuses toiles.
Monet y a peint "La pie" à
la barrière sud dans une période enneigée.
Cette ferme a été occupée pendant la IIème
guerre mondiale. Les allemands avaient disposé des abris souterrains
aux quatre coins du carré , mais elle n'a pas été
bombardée. La garnison compta entre 100 et 200 hommes.
Les fermiers étaient contraint à y travailler
le jour comme si de rien n'était. Un rectangle de béton servait
au nettoyage des vaches et non, comme on le raconte trop souvent au départ
de V1.
Après la période
guinguette
de nombreux peintres ou marginaux prirent l'habitude de passer là
croyant que l'agriculture consiste à distribuer gratuitement du
lait ou du cidre. Les clos étaient des univers économiques psychologiques et sociaux fermés.
La situation de la ferme renforçait ce caractère qu'on dit cauchois.
Un des fermier se fit une réputation de sauvage en tirant des coup de fusil sur les horlas qui franchissaient le fossé.
C'est dire l'importance du verger, qui recouvrait les trois quart de
la cour et réclamait des soins constants La végétation
étant retardée les pommes se chargent moins de sucre et le
cidre est assez acide ce qui faisait accroitre les railleries à
l'encontre de l'estaminet monté par le fermier dans ce qui est actuellement
la cuisine-salle à manger.
Dans la plupart des fermes normandes le sol était en terre battue. Ce sol
fut recouvert d'un carrelage picard bon marché, friable mais de belle couleur. Il n'y avait donc pas de chambres au rez de chaussée, elles
sont généralement à l'étage. Le plancher, ou pour les plus riches, le parquet,
est à lames larges. à partir du XIX
ème l'Amérique du Nord exporta en grande quantité et à bas prix
un bois veiné de rouge, résistant à l'humidité,
facile à travailler: "le pichepin" qui débarquait au Havre
pour la fabrication de meubles européens bon marché: dans
le pays on en fit un grand usage. Aujourd'hui les états unis d'Amérique du nord en limitent strictement la coupe.
Ce bois est devenu impossible à trouver et son coût est celui des essences rares.
Le plancher et les solives de la maison sont dans ce bois.
La ferme est placée dans un petite cuvette sur le plateau, une
lame de terre arable profonde et fertile la traverse et se termine
dans un champ voisin au delas du fossé; ceci joint au microclimat donne un fertilité étonnante: tout pousse avec une grande facilité.
Dès la mi avril on assiste à une explosion de
verdure
et de fleurs et on comprend que les peintres se
soient attachés à cet ensemble qui était un tout agricole,
humain et esthétique à la fois discret et proche d'un des
lieux les plus touristiques de France.
Son "fossé" cauchois
doublé d'une
haie dense l'enferme dans un clos
intime et protecteur totalement efficace. Au bout d'un chemin qui semble se perdre sur la falaise,
on aperçoit une forteresse
de verdure d'où dépassent à peine quelques toits.
Les bâtiments sont disposés en carré dans un espace
de plus d'un hectare.
Pratiquement tous les grands (et petits) peintres impressionnistes
y ont séjourné d'où sa dénomination donnée
par ceux "d'en bas" pour railler le fermier qui en tirait profit.
Cette dissimulation écologique dans un environement grandiose,
des allées et venues historiques, la notion de souterrains secrets
menant à la mer, l'intérêt des impressionnistes, puis la période
guinguette, Maupassant, les abris laissés par les allemands, ont
contribué à créer des légendes dont il est
difficile de trier le vrai du faux.
Les bâtiments latéraux sont plus classiquement en brique et
silex.
La maison tourne le dos à la mer d'où venait toute la
misère, les notions d'estétique ou de poésie ne concernaient
pas trop paysans et pécheurs.On
aperçoit la mer par les fenêtres arrières. La barrière
boisée qui entoure le clos est essentiellement faite de sycomores
de fresnes et de pins noirs d'Autriche d'introduction récente. Il
persiste encore quelques ormes.
La proximité
de l'Etretat balnéaire et son relatif isolement, la fréquentation
d'un monde paysan plus à leur portée en avaient fait le lieu
de rencontre des impressionnistes qui de Courbet à Monet, Boudin,
Jonkind et bien d'autres sont tous passés dans cette ferme. Le fermier
gardait le matériel de peinture de ces messieurs qui le retrouvaient
au séjour suivant.
Etretat eut une période brillante et chic à la fin du
XIXème: ce fut le premier bord de mer accessible par le train aux parisiens.
Le tube de plomb permit le transport de la peinture préparée;
les peintres purent sortir de leurs ateliers et se placer au contact
de la nature, des couleurs et de la lumière.
Ils furent les initiateurs de l'engouement bourgeois pour Etretat.
Le fermier leur servait
à boire, à manger, parfois de très étranges
omelettes, et plus disent les mauvaises langues. L'endroit fit office de
guinguette avec chambres et meules accueillantes à des repos de
toute nature.
Les peintres oeuvraient alentour reproduisant les curiosités
géologiques locales, les sujets marins ou paysans
La vie y était dure avec ce goût du secret assez propre aux
cauchois, bien après la guerre le maire fut obligé de "monter"
pour exiger du fermier une attitude envers son personnel plus en rapport
avec l'époque, rien de méchant, mais poursuite des rapports du monde paysan de Maupassant.
Sur la falaise l'eau file à travers
le calcaire et les failles. Il existe une citerne qui recueille l'eau de
pluie de tous les toits, ce qui était un luxe car le plus souvent on envoyait la petite bonne, avant le lever du jour, racler
l'eau de surface de la marre avant que les bêtes ne la remuent!!.
L'eau était donc de piètre qualité:
elle était mélangée à une moitié de
cidre: "la boisson" avec le même souci hygiénique que celui
de la goutte dans le biberon.
Pas de cave donc, l'humidité remontait à travers
sol et murs ce d'autant mieux que pendant tout le XIXème on
utilisa pour mortier une chaux de piètre qualité qui rend toutes
les constructions anciennes d'entretient difficile. Parfois
il n'y avait pas de mortier mais un mélange de glaise
et de paille hachée tant comme joint que comme matériau de
remplissage entre les colombages.